La succession du clan Bongo va se jouer entre deux anciens dignitaires du régime le 12 Avril prochain, dans une élection où les feux sont sont au vert pour le Président de transition et dont la candidature du dernier Premier Ministre d’Ali Bongo peut s’apparenter à un jeu pour légitimer le processus démocratique du scrutin.
Quand le Général Brice Clotaire Oligui Nguema prête serment comme Président de la transition du Gabon le 04 septembre 2023, le Premier Ministre d’Ali Bongo (qui vient d’être renversé par un coup d’État), Alain Claude Bilie-By-Nze est installé aux premières loges, au palais présidentiel de Libreville. Comme les autres autorités, il recevra le salut militaire du nouvel homme fort du Gabon, avant d’échanger quelques mots avec lui. Pour beaucoup d’observateurs, Bilie-By-Nze vient de légitimer ce que les gabonais ont qualifié de «coup de libération», dans la matinée au 30 Août 2023. A partir de cet instant, l’ancien chef du gouvernement qui n’a pas été inquiété, rejoint la vague qui est en train de tourner la page de la famille Bongo et accompagne la transition.
Dans les bonnes grâce du CTRI (le conseil des militaires au pouvoir qui gèrent la transition), Bilie-By-Nze va d’ailleurs exprimer son «soutien enthousiaste» aux réformes annoncées, notamment la mise en place d’un nouveau code électoral et la révision du fichier électoral, via sa plates-formes ‘Ensemble pour le Gabon’. Pour lui, ces étapes s’inscrivent dans une volonté claire de garantir une élection présidentielle transparente et démocratique, alignée sur les standards internationaux.
Les premières signes de la fissures…
A l’occasion de la sortie de son ouvrage «Oser l’espérance pour un nouveau Gabon », l’ancien Premier Ministre, se sentant écarté progressivement du pouvoir, change de fusil d’épaule et critique ouvertement la transition dans les médias. Il s’enprend alors ouvertement à Oligui Nguema, qu’il accuse d’avoir «détourné les objectifs initiaux de la transition, qui visaient à restaurer les institutions et à remettre le pouvoir aux civils». Il est allé plus loin en qualifiant la loi fondamentale de «mauvaise», en indiquant que la phase finale de la mouture de cette constitution en cours de rédaction «ne correspond pas aux attentes du peuple gabonais», avant de conclure que : «le général Oligui a pris le pouvoir pour lui même, sans un réel projet pour le Gabon». Malgré ces critiques (l’une des rares depuis le coup d’Etat), la candidature de celui qui a soutenu Ali Bongo jusqu’au bout est passé comme une lettre à la poste, contrairement à 19 autres candidats qui ont été recalés.
Quel crédit pour ces deux anciens fidèles des Bongo ?

Ce sont deux personnages centraux de la vie publique gabonaise qui ne doivent leur ascension qu’à la famille Bongo. Considéré comme le «libérateur» du Gabon par ses partisans, l’homme du coup de force qui a mis fin au règne de la famille Bongo le 30 août 2023, roule sur un boulevard, en direction du palais présidentiel. Aujourd’hui, le candidat Oligui Nguéma bénéficie de la confiance de nombreuses populations, ceci grâce à son bilan en 18 mois à la tête du pays. Au cours du meeting d’annonce de sa candidature, il a fait son bilan: « J’ai réalisé 1969 km de route. J’ai procédé à la distribution de 417 taxis et 400 autres seront livrés dans les tous prochains jours, soit une création de 817 emplois ». A mettre également à son actif, la réduction du coup de vie, la relance de l’économie, la nationalisation de la Societé Nationale des Bois du Gabon, ASSALA, Fly Gabon et CECAGADIS, la réhabilitation des voiries urbaines, la modernisation des hôpitaux et des écoles. Ses adversaires parlent aussi d’un code électorale taillé en sa faveur, la nomination des nouveaux juges à la cour constitutionnelle, comme des outils préparés à l’avance pour la victoire du président de transition.
En face, un ancien Premier Ministre, Alain Claude Bilie By Nze, comptable du bilan des Bongo à la tête du Gabon. Fraude électorale, corruption, inertie, détournement des derniers publics, chômage jeune, mal gouvernance, misère ambiante du peuple gabonais, pour ne citer que ceux-ci. En se présentant à la présidentielle, ce cadre du Parti Démocratique Gabonais tente de se focaliser sur la jeunesse pour réapparaître nouveau. Il a récemment déclaré que : «Partout où je suis passé au Gabon, la priorité qui m’a été présentée par les populations, c’est la question de la lutte contre le chômage des jeunes. J’entends donc faire de la question de la jeunesse et de l’emploi des jeunes la priorité du septennat. Il faudra que la jeunesse gabonaise s’épanouisse, qu’elle trouve un emploi et les mécanismes seront mis en place pour cela ». Dans un Gabon toujours considéré un pré-carré français, Alain Claude Bilie By Nze joue la carte de l’indépendance du Gabon dans son projet de société. En attendant le jugement des gabonais dans les urnes, son passé demeure un handicap pour son accession à la magistrature suprême.
La campagne électorale démarre le 29 mars prochain, et le 12 avril, les gabonais choisirons le successeur d’Ali Bongo qui vit toujours en résidence surveillée à Libreville, même si les militaires au pouvoirs ont dit à maintes reprises, qu’il est libre de quitter le Gabon.