Par Franck Ghislain ONGUENE, spécialiste en gouvernance internationale du sport.
Je suis à 100 % d’accord avec ceux qui pensent que juger le partenariat avec FOURTEEN à Priori relève de l’art qui consiste à deviner le sexe des anges car l’opacité qui entoure ce contrat est telle qu’on n’a pour l’instant aucune information qui permette vraiment d’apprécier la vision du projet !
CEPENDANT…
La signature de ce contrat marque selon moi, la fin d’un cycle pour le football camerounais, et, malheureusement, celle de plusieurs marques emblématiques : FECAFOOT, LIONS INDOMPTABLES, ETO’O. Ces noms, autrefois synonymes de prestige, ne sont aujourd’hui plus bancables. Comme pour toute fin de cycle, il est urgent d’enclencher une véritable reconstruction. Le prochain président de la FECAFOOT devra en faire sa priorité absolue.
UN ÉQUIPEMENTIER SANS EXPÉRIENCE INTERNATIONALE : UN PARI RISQUÉ
À ceux qui pensent qu’il n’y a aucun problème à s’associer avec une marque No Name sans expérience dans le football international, souvenez-vous des échecs d’OAS et même du Coq Sportif.
J’ai eu l’opportunité de visiter l’entrepôt de Macron en Italie. C’est l’un des plus vastes d’Europe, avec plus de 5 millions de pièces stockées et un flux quotidien de 100 000 pièces en entrée et en sortie. Mais ce qui m’a le plus marqué, ce n’est pas seulement la taille des installations, c’est leur modèle de production semi-autonome, une rareté parmi les équipementiers européens.
POURQUOI FOURTEEN RISQUE D’ÉCHOUER ?
Lorsqu’une marque comme Fourteen veut répondre à la demande de la FECAFOOT, voici ce qui se passe :
1. Elle conçoit un design, qu’elle envoie ensuite à une usine en Chine, en Thaïlande, en Turquie, à Singapour ou au Vietnam.
2. Sur place, sa commande est traitée aux côtés de celles de Nike, Adidas et Puma, qui sont en moyenne 100 fois plus volumineuses
3. L’usine privilégie naturellement les grandes commandes, retardant la production de Fourteen.
LE RÉSULTAT ?
Des retards, des problèmes de qualité, des livraisons imprécises… exactement ce qui s’est passé avec les précédents équipementiers.
À l’inverse, Macron a trouvé un moyen de contourner cette dépendance : plutôt que de commander des produits finis, ils font concevoir UNIQUEMENT les patrons des équipements en Asie, les rapatrient en Italie et une fois sur place, réalisent eux-mêmes les finitions dans leur atelier à Bologne. C’est cette stratégie qui leur a permis de s’imposer en Europe (UEFA, clubs de renom) en répondant efficace à la demande qualitativement et quantitativement.
Le Cameroun est une grande nation de football, mais sa demande en équipements n’est pas assez massive pour être rentable à court terme pour une petite marque et pour rivaliser avec les géants du secteur.
QUE VA-T-IL SE PASSER ?
Fourteen va capitaliser sur la notoriété des Lions Indomptables, mais, malgré sa bonne volonté, elle ne pourra pas respecter ses engagements en termes de délais, de qualité et de précision.
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.
UNE STRATÉGIE ALTERNATIVE POUR SAUVER L’IMAGE DU FOOTBALL CAMEROUNAIS ?
VOICI CE QUE J’AURAIS PROPOSÉ :
1. Signer un contrat à court terme avec un grand équipementier
Certes, il n’apportera pas grand-chose financièrement, mais après six mois sans équipementier, personne n’est mort !
Il garantira une qualité et une fiabilité sans failles.
2. Restructurer le marketing de la FECAFOOT
Externaliser cette mission et redéfinir totalement les contours du LABEL et de la MARQUE « LIONS INDOMPTABLES ».
Miser sur le merchandising et les performances sportives.
3. Renégocier un meilleur contrat dans le futur
Une fois la marque restaurée et les résultats sportifs au rendez-vous, signer un contrat plus avantageux avec un équipementier plus généreux.
UN FOOTBALL QUI NE VEND PLUS… ET UNE IMAGE À RECONSTRUIRE
Aujourd’hui, le football camerounais ne fait plus rêver. Quand on parle du Cameroun, ce n’est plus pour ses exploits sur le terrain, mais pour des scandales et des querelles internes dignes d’un feuilleton de quartier.
Ajoute à cela un marketing défaillant dans un contexte où :
Le directeur marketing a démissionné quelques jours avant la signature avec un nouvel équipementier.
Le président de la commission marketing a été suspendu.
Le chantier est immense, mais la reconstruction est impérative !